Moins de la moitié des chrétiens "nés de nouveau" américains croient que Jésus était sans péché

Moins de la moitié des chrétiens nés de nouveau américains croient que Jésus était sans péché

"Que celui qui n’a jamais péché lui jette la première pierre", dit le Christ aux pharisiens qui attendent une condamnation de la femme adultère. De nombreux chrétiens américains pourraient déclarer que Jésus lui-même n’aurait dès lors pu lui jeter cette première pierre. En effet, selon un sondage, les chrétiens born-again qui croient que le Christ a mené une vie immaculée sont désormais une minorité. Le Covid aurait profondément altéré le christianisme américain.

Chaque année, le Centre de recherche culturelle de l’Université chrétienne de l’Arizona dirigé par George Barna mène une enquête concernant la vision du monde parmi la population adulte américaine. Les résultats obtenus en janvier 2023 auprès de 2000 personnes à travers les États-Unis, et publiés le 20 avril, indiquent une forte chute de certaines croyances bibliques en trois ans. En effet, alors même que les chrétiens représentent 64 % de la population américaine, selon une étude de 2020 du Pew Research Center, et les protestants born-again un tiers des Américains, seuls 44 % des "nés de nouveau" croient que Jésus n’a jamais péché. Ils étaient 58 % en 2023, mais, paradoxalement, cette forte décrue n’est pas systématiquement accompagnée d’une modification à la baisse dans tous les domaines.

Le nombre d'Américains soutenant des croyances religieuses fondamentales a fortement diminué, par exemple 36 % des Américains croient que Dieu est la source de la toute vérité alors qu’ils étaient 42 % en 2020. Si l’on regarde du côté qui se disent nés de nouveau, la chute est identique avec 63 % d’entre eux déclarant que Dieu est le fondement de la vérité contre 69 % il y a trois. Et si 66 % des Américains croyaient en 2020 que Dieu avait un but précis pour leur vie, ils ne sont plus que 46% à le croire. Un chiffre identique à celui des born-again à la différence que ces derniers étaient 88 % à partager cette conviction à l’époque.

Incohérences apparentes entre foi, pratiques et conceptions morales

La chute s’observe également concernant l’adoption de pratiques bibliques chez les chrétiens born-again, avec 50 % d’entre qui se disent résolus à pratiquer leur foi contre 85 % trois ans auparavant. La baisse de l’engagement religieux des Américains en général est moindre, de 60 % à 48 %.

Les chrétiens born-again étaient 60 % à lire leur Bible au moins une fois par semaine, ils ne sont plus que 55 %, tandis que la baisse est de 4 % dans la population générale (37 % à 33 %). Il est possible d’en déduire que les Américains, et notamment les chrétiens nés de nouveau, ont moins cherché des réponses spirituelles dans la Bible durant l’épidémie.

Plus surprenant encore, 48 % (contre 54 % en 2020) des chrétiens nés de nouveau croient qu’il ne suffit pas d’être bon ou de faire de bonnes choses pour accéder au Paradis, alors le chiffre est à la hausse dans la population générale où 55 % (contre 45 % en 2020) croient que faire le bien ou être bon ne suffit pas pour être sauvé. Le chiffre chez les born-again est incohérent avec la croyance de ces chrétiens dont le point central de la doctrine est que le salut personnel n’est obtenu que par le sacrifice du Christ sur la croix et non pas par les œuvres ou la personnalité.

En revanche, le nombre de ceux qui déclarent que les relations sexuelles hors mariage sont moralement inacceptables augmente tant dans la population générale (27 % à 38 %) que parmi les born-again (47 % à 59 %). De même, ceux qui pensent que mentir pour protéger sa réputation ou ses intérêts est aussi inacceptable sont de plus en plus nombreux dans la population générale (47 % à 53 %) et parmi les chrétiens nés de nouveau (61 % à 66%).

Du côté de la conception de la vie, le nombre d’Américains pensant que la vie est sacrée est passé de 39 % à 29 %, et il a davantage baissé chez les chrétiens nés de nouveau qui sont 48 % à le penser, une baisse de 12 points, alors que la sacralité de la vie revêt un sens davantage religieux pour eux que pour l’ensemble de la population.

Ainsi, il n’y a plus que 44 % des chrétiens born-again qui croient que la Bible est sans ambiguïté concernant l’avortement, contre 58 % il y a trois ans. Les chrétiens born-again sont 50 % (contre 45 % en 2020) à croire que le succès peut être décrit comme une obéissance cohérente à Dieu.

Des chiffres qui laissent entrevoir une certaine décorrélation entre des croyances spirituelles fondamentales et des pratiques ou des convictions morales.

Syncrétisme croissant et désarçonnement spirituel lié au Covid

Selon George Barna, ces tendances dans les deux groupes s’expliquent par le développement d’une vision syncrétiste du monde qui est la vision dominante dans le pays. Les Américains combinent différentes visions du monde, ce qui aboutit à une vision assez imprévisible. Barna propose une explication complémentaire à ces mutations, celle de la pandémie :

"La plupart des croyances religieuses évoluent au fil des générations, et non en quelques années. Toutefois, nous savons que les grandes crises de la vie ont la capacité d'introduire rapidement des changements substantiels dans les fondements de la foi des gens […] et même si l'on ne s'attendait pas à un changement spirituel d'une telle ampleur, il s'est produit."

S’il avoue qu’une telle altération n’était pas envisagée, il estime que l’impact physique et psychologique du Covid, ainsi que les conséquences économiques, relationnelles et sociales de l’épidémie ont eu la capacité d’ébranler à ce point les Américains qui ne se sont plus rendus à l’église durant l’épidémie.

La foi de nombreux chrétiens a non seulement été ébranlée par le Covid, mais aussi par "les tactiques d’intimidation du gouvernement durant le confinement", estime Barna qui ajoute que "l’effondrement des perspectives fondatrices chez les adultes nés de nouveau peut laisser envisager que les églises locales pourront de moins en moins compter sur le soutien actif et fiable de cette niche critique du corps de l’Église", ce qui aurait de fortes conséquences pour la génération suivante.

Selon lui, "les pasteurs seraient bien avisés de revenir à de nombreux principes de base du christianisme, de reconstruire les fondations spirituelles des fidèles et de célébrer les bénédictions de Dieu, en rappelant aux gens à quel point leur Dieu est grand."

Jean Sarpédon

Crédit image : Shutterstock/ Rolf E. Staerk

Dans la rubrique International >



Les nouvelles récentes >